Décembre 2023
De nombreuses études se sont intéressées à l’effet de la musique sur la façon dont nous percevons les saveurs des aliments (voir notre brève à ce sujet). Toutefois, la plupart d’entre elles sont focalisées sur l’intensité des saveurs perçues. Dans une nouvelle étude, l’équipe de David Guedes au Portugal, très impliquée dans ce domaine de recherche, a cette fois voulu explorer les effets de la musique sur la sensibilité gustative.
Focus sur la sensibilité gustative
Pour cela, les chercheurs ont demandé à 73 adultes de goûter 9 solutions présentant une concentration croissante en saccharose (de 0 g/L à 20 g/L). Pour chaque échantillon, les sujets devaient indiquer s’ils détectaient une saveur (permettant de caractériser un seuil de détection) et s’ils étaient capables d’identifier la saveur (seuil d’identification). L’expérience était répétée à trois reprises, au cours desquelles les sujets étaient exposés à une ambiance sonore différente (Figure 1) :
soit à une musique précédemment identifiée comme évoquant la saveur sucrée (i.e. jugée comme telle par la majorité des participants d’une précédente étude normative) (HS, pour high sweetness)
soit à une musique précédemment identifiée comme évoquant peu la saveur sucrée (LS pour low sweetness)
soit au silence (S)
Un effet dans les situations équivoques ?
Résultats ? Globalement, le type de musique diffusée n’avait pas d’effet sur les niveaux de seuil de détection et d’identification des saveurs. Toutefois, l’examen attentif des courbes (Figure 3) laissait entrevoir un effet dans la zone où certains sujets commencent à être capables de reconnaître la saveur sucrée (dose de 2,59 g/L de saccharose) : davantage de sujets étaient alors à même d’identifier la saveur sucrée dans le groupe exposé à la musique sucrée. Autrement dit, la reconnaissance de la saveur sucrée semblait se produire plus tôt sous l’effet de la musique sucrée.
Les chercheurs estiment que les effets de l’ambiance sonore pourraient se
manifester préférentiellement dans ces zones « équivoques » pour la détection et l’identification de saveurs, où le phénomène d’intégration
multisensorielle (i.e. lorsqu’un sens en module un autre) pourrait s’exprimer et être visible (alors qu’il serait occulté lorsque les stimuli sont plus tranchés).
Les musiques diffusées
se révélaient par ailleurs sans effet sur l’intensité perçue de la saveur ni sur le plaisir ressenti, peut-être parce que le plaisir à déguster des solutions aqueuses de saccharose reste limité par rapport à des aliments « plaisir » de la vie quotidienne. En revanche, les sujets exposés à la musique « sucrée » déclaraient une
meilleure humeur.
De nouvelles études, ciblant par exemple davantage les zones ambiguës de détection et de reconnaissance des saveurs, permettraient d’approfondir les effets de l’environnement sonore sur les perceptions gustatives, et de façon plus générale les
phénomènes d’intégration multisensorielle qui modulent la perception de la saveur sucrée. Tout un programme, déjà en partie à l’étude dans notre
Observatoire des comportements et goûts sucrés !